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ROLEX NO NAME

La Rolex 6205, une icône inconnue

J’aime les paradoxes, les oxymores, les contradictions et les exceptions qui nourrissent la dialectique, enfièvrent les discussions de comptoir, mais surtout éclairent d’un autre jour les évidences trop évidentes. En bon empêcheur de penser en rond, lorsqu’on me présente une généralité, je cherche toujours l’exception.
Et, en matière horlogère, je suis servi ! Alors lorsqu’on aborde la marque la plus discutée, à défaut d’être discutable - Rolex- et spécialement un de ses modèles emblématiques, la Submariner, on touche du doigt l’une des choses qui donne une bonne idée de l’infini.

Au début de la Sub, comme il est de bon ton de la nommer lorsque l’on est de la famille, en 1954 donc, la première référence qui fait souche est la 6204.

Rolex 6204, first but not least.

La même année, suivent 6200 et 6205, mais, tandis que les deux autres références restent en production, la référence 6205 ne sera fabriquée qu’entre 1954 et 1955. Cela explique évidemment sa rareté et le fait qu’elle soit tombée dans un oubli relatif par la suite. Submariner submergée par la déferlante des modèles qui l’ont suivie : 6538, 6538 A, 6536, 6536/1, 5510, 5508, 5512, 5513, 14060, 14060M…rajoutez l’affichage de la date et ça continue : 1680, 1680/8, 16800, 168000, 16803, 16808, 16610, 16610LV, 16613, 16618, 116619LB. Alors oui, c’est beau comme une liste de références de joints de plomberie et logique comme les appellations des Ferrari, mais ce qui nourrit les névroses des collectionneurs de tous bords et produit une littérature épuisante, c’est qu’il existe, bien sûr, pour chaque référence, des exceptions dans la définition de leurs caractéristiques spécifiques.

La Rolex No Name, c'est elle !

La couronne de remontoir avec le + en dessous de la couronne.

Mais revenons à 6205, ce qui frappe tout de suite, lorsqu’on a la chance de pouvoir en examiner une de près, c’est l’absence de dénomination. Il y a bien la typographie de la marque surmontée de sa couronne et sous-lignée de l’Huitre Perpétuelle, pardon de l’Oyster Perpetual, “base ligne“ légèrement sibylline (en anglais, c’est entendu, les paroles importent moins que la musique), en revanche, en dessous de l’axe des aiguilles Mercedes, on y reviendra, rien, pas la moindre dénomination ou indication de profondeur, rien… Nous sommes tellement habitués à voir les cadrans des montres actuelles saturés de surlignages et autres indications graphiques que cela détonne et étonne. Pourtant, à bien y penser, toute cette place vide n’est pas vide de sens, loin s’en faut. Cela dit beaucoup de la force des marques de cette époque, naissantes, mais déjà sûres de leur apport au monde de l’horlogerie et cela dit encore plus de la fausse assurance de ce qu’elles sont devenues aujourd’hui.
On pourrait prendre cette approche marketing originelle pour de la modestie, mais c’est bien connu, en matière de commerce, la modestie est toujours de la fausse modestie, ceindre le nom de sa marque d’une couronne en est la preuve manifeste.

La fameuse mention au brevet du système d'étanchéité de la couronne vissée.

Le reste n’est pas en reste, une aiguille des secondes très gracile, de type “lollipop“, qu’elle partage parfois avec 6004 mais que l’on ne reverra malheureusement plus après 1955.

La Rolex 6205, l'archétype d'une submariner mais, malgré tout, singulière à plus d'un titre.

Mais surtout, la référence 6205 à introduit l'une des caractéristiques les plus distinctives du modèle sportif de Rolex - l'aiguille des heures de style Mercedes *! Rien que pour cela et également pour tout ce qu’elle ne montre pas, elle devrait tutoyer les sommets aux côtés des références “daytonnesques“ qui foisonnent sur les sites spécialisés, contredisant de fait leur supposée grande rareté. Le résultat de la vente d’un bel exemplaire lors d’une récente cession de la maison Philips semble montrer qu’elle en prend peut-être, et à juste titre, le chemin.

Steve Desk 22/01/2020

*On trouve parfois des modèles 6205 avec des aiguilles bâtons identiques à 6204…