KING OF DESIGN ?
Steve Mc Queen designer
Je n’ai jamais compris pourquoi Steve Mc Queen était systématiquement – et avec assez peu d’originalité –. affublé, dans la litanie des articles qui lui sont consacrés, du titre officiel de King of Cool. Car cool, je ne pense pas qu’il le fut. D’abord avec les femmes vis-à-vis desquelles la violence des sentiments s’accompagnait un peu trop souvent de violence tout court. Mais plus généralement avec son entourage à qui il faisait payer son intransigeance égocentrique, rançon de ses traumatismes d’enfance. Bref, ce personnage aussi charismatique n’engendrait pas autour de lui tout le calme et la détente que suggère le qualificatif de cool. En revanche, s’il y a bien un domaine où il était le roi, c’est dans l’aptitude à absorber, transformer et finalement à s’approprier le meilleur de son époque. Qui plus est lorsque cette époque est l’une des plus singulières en matière de style. Suffisamment libre pour s’affranchir du classicisme d’après guerre et pas encore suffisamment débridée pour souffrir des errances des années 70, on peut la circonscrire à la période qui va de 64 à 69. Ce sont ces 5 années qui ont forgé son aura d’icône de mode sur laquelle surfent encore des milliers de marques en mal de personnalité et, osons-le, d’intelligence.
Le fait marquant est que son goût très sûr s’exerçait dans tous les domaines auxquels il s’intéressait. Les voitures et les motos bien sûr – il a possédé ou utilisé le garage idéal des années 60. De la plus petite, une mini Cooper S (forcément) de 1967, à la sur-puissante Jaguar XK SS, en passant par la juste sublime Ferrari 250 GT Lusso : il les a toutes eues et conduites rapidement.
Pour comprendre son talent qui aujourd’hui le ferait certainement signer des collections capsules avec les plus grandes marques de luxe – l’homme aimait l’argent dont il avait cruellement manqué jeune – il suffit de revenir sur la customisation de sa mini dont il fit reprendre la teinte par la carrosserie de Lee Brown à Hollywood dans un bi-ton grège et brun métallisé habillant la sympathique voiture populaire d’une réelle élégance. En fait, ne s’arrêtant pas là, il demanda en outre d’agrandir les voies sans avoir recours à de vulgaires élargisseurs d’ailes, d’installer un tableau de bord en loupe de noyer sur-mesure se mariant parfaitement avec le vinyle marron choisi pour recouvrir les sièges et les contreportes et enfin, détail qui en dit long sur le degré de névrose du type, placer un unique longue-portée sur la calandre, pour finir par refuser de mettre une plaque d’immatriculation à l’avant afin de ne pas dénaturer le dessin de Sir Alec Issigonis !
Sur cette photo, on voit Steve Mc Queen venir prendre livraison de son nouveau jouet et bien sûr, sa tenue est parfaitement coordonnée avec les teintes choisies pour sa voiture…vous avez dit cool vraiment ?
Le fait qu’il se soit entiché de cette mini voiture, véritable concentré d’intelligence, n’est pas anodin. À travers ses goûts et son jeu d’acteur même, on comprend qu’il aimait l’épure, la simplicité, la cohérence, signe d’une grande maturité esthétique malgré son peu de bagage scolaire (comme quoi…).
Mais en bon styliste, il aimait aussi les contrastes et le minimum n’exclut pas le maximum – c’est même l’adage de la course automobile, sa véritable passion. Il le démontre en obligeant le réalisateur du film L’affaire Thomas Crown à choisir un buggy Meyers Manx en lieu et place d’une jeep pour les scènes d’off-road sur la plage. Là encore il poussa le goût du détail jusqu’à le faire complètement modifier selon sa vision par une société de la côte et son patron Pete Condos. Du plus visible avec les énormes pneus Firestone Indy 500 montés sur des jantes American Racing, le pare-brise type hors-bord ou le porte bagage arrière, au plus subtil avec les phares sous plexi intégrés au capot avant et une sellerie spécifique réalisée par Tony Nancy (qui avait déjà œuvré sur ses voitures personnelles), à la modification invisible mais très cinétique qui a consisté à remplacer le traditionnel moteur Volkswagen par un moteur six cylindres de Chevrolet Corvair d’environ 140 CV en échappement libre, Steve Mc Queen a tout supervisé et adoubé.
Le buggy Meyers Manx modifié, la paire de Persol 714S et l’orange de la carrosserie raccord avec la chemise de l’acteur…What else ?
On pourrait continuer à l’envi en décortiquant la Porsche 2.2 S Slate Grey du film Le Mans clone du modèle appartenant toujours au fils de l’acteur ou sa collection d’une centaine de motos : de la mini Meyers Lynx 65 (toujours les contrastes) aux performantes anglaise Rickman Métisse MKIII , suédoise Husqvarna 400 ou japonaise Honda Elsinor CR 250 M et autre monument déjà historique comme l’Indian Chief de 1940.
La mini mimi Meyers Lynx 65 qu'il pouvait piloter avec son plâtre au pied gauche…
La Rickman Métisse MKIII récemment rééditée et homologuée…légère mais physique !
Que ce soit la Husqvarna 400 ou la Honda Elsinor CR 250 M, elles sont toutes les deux devenues des icônes du tout terrain…comme par hasard !
On pourrait passer en revue sa garde robe, du blouson Harrington bleu marine ou de ses ensembles pull blazer, de ses paires de Chukka Boots en daim marron ou de ses desert boots en passant par les incontournables lunettes Persol pliables 714S. Il a, il est vrai, défini mieux que personne le style casual américain avec ce que les anglo-saxons appellent “effortless style“, le style sans faire d’efforts (apparents !).
En 1968, le “Costume designer“ du film L’affaire Thomas Crown, Alan Levine, n’a pas du beaucoup insister pour faire enfiler ce blouson Harrington et les Persol 714S à Steve Mc Queen…
Les Chukka Boots en daim marron, un basic de la garde robe de l’acteur devenu un basic tout court. Il les porte notamment dans le film Bullit.
Mais il faut bien revenir à nos moutons et on ne peut décemment achever cette revue de style sans aborder ses montres. Dans la panoplie du parfait McQueen maniac se trouve toujours l’Heuer Monaco…et on a tort, pour deux raisons. D’une part, elle est trop “baroque“ et d’autre part, McQueen ne la portait pas, il avait refusé qu’Heuer ne se serve de son image après Le Mans et, enfin, c’est juste après le contrat TAG Heuer/ChadMcQueen, que ce dernier a vendu le droit d’usage de l’image de son père.
Moins connue que sa Rolex 5512, le chronographe Hanhart 417ES qu’il portait très souvent et notamment aux ISDT de 1964 au guidon de sa 750 Triumph TR6 en Allemagne de l’Est.
Non, sa vraie montre, outre le très classique chronographe Hanhart 417ES qu’il porte notamment lors de la course des ISDT de 1964 en Allemagne de l’Est, c’est sa Rolex.
LA vraie montre du gaucher sexy. Une Rolex Submariner 5512 de 1967 (produite de 1959 à 1978).
Mais attention, ce n’est pas une Explorer II 1655, contrairement à une idée bien commercialement entretenue, mais une Submariner 5513, de 1964. Il en change ensuite pour une Submariner 5512 de 1967. La différence entre les deux ? Elles sont visuellement identiques mais seule la Submariner 5512 est certifiée chronomètre par le Contrôle Officiel Suisse des Chronomètres (COSC). Un détail ? Assurément. Mais pas aux yeux d’un esthète connaisseur, puisque la différence se fait dans le cœur de l’objet et non sur sa forme. Et si le design est l’élégance de l’alliance entre le fond et la forme alors on peut légitiment penser que Steve Mc Queen était à son époque le king of design.
Steve Desk 11/04/21